Un "bon" député européen, c'est celui qui aide à "comprendre l'Europe"

Qu'est-ce-qu'un "bon" député européen ? "C'est celui qui défend vos opinions !" répond très justement un article publié le 8 avril sur le site du Parlement européen. Il faut dire qu'un parlementaire européen, comme son nom ne l'indique pas, n'a pas le droit de proposer des lois (la Commission a le monopole de l'initiative législative) et ses moyens de contrôle et de censure sont tout à fait dérisoires. On comprend alors qu'un "bon" député au Parlement européen ne peut être seulement celui qui signe un registre de présence à l'entrée d'une salle de réunion à Bruxelles ou à Strasbourg. C'est aussi celui qui participe activement, en développant publiquement son opinion et son action, à la "compréhension des enjeux de la part de l’électorat" et au "contrôle du programme politique". Ces dimensions de l'action politique sont deux des cinq critères de la démocratie définis par le politologue américain Robert A. Dahl.
L'étude de Jean-Marie Breton que nous présentons ici n'est pas plus irréprochable que toutes les autres avant elle. En revanche, il s'agit de la première étude qui mesure l'activité européenne des députés globale, incluant la contribution effective des élus au débat public sur l'Europe, conformément aux critères de Dahl.

Neuf députés européens sortants et candidats à leur succession en France ont été testés au regard de la "réflexion", la "législation" et l' "action". Très actif dans le débat public sur l'Union européenne, c'est Philippe de Villiers qui décroche la palme de ce classement. Le Président du Conseil général de la Vendée a été présent à 15 sessions sur 18 au Parlement européen en 2008/2009, mais surtout, au chapitre "action européenne", il est cité par plus de 7000 articles de presse française traitant des questions européennes au cours de ses cinq dernières années de mandat européen. Enfin au chapitre "réflexion européenne", il a publié pas moins de six ouvrages sur l'Europe.

Le leader du "non" est immédiatement suivi dans ce classement par Daniel Cohn-Bendit (Verts) et Vincent Peillon (PS), dont l'activisme public pour éclairer les enjeux européens est remarquable avec près de 3.000 articles de presse citant leur action européenne chacun, tandis que les UMP Joseph Daul et Françoise Grossetête, pourtant très dotés en fonctions de toutes sortes à Bruxelles et Strasbourg (le premier est Président du plus important groupe parlementaire européen), enregistrent des scores plus moyens.

1) Les difficultés posées par les mesures de l'assiduité au Parlement européen

Une "règle générale, la même pour tout le monde, basée sur des critères complets, objectifs, et honnêtes" : c'est ce qu'a réclamé Jean-Marie Cavada, député européen, après "la pseudo-enquête parlorama" sur l'assiduité des eurodéputé, publiée par un ancien assistant parlementaire puis finalement retirée de son blog, après le tollé provoqué au sujet des critères d'évaluation. > L'ancien président de Radio France estime que "l'aspect totalement subjectif de ces critères souligne que si l'on veut se mêler de juger du travail d'un parlementaire, alors il faut le suivre réellement tout au long des cinq années de mandat".

On ne peut en effet sérieusement mesurer l'activité d'un élu à la seule signature du registre de présence à l'entrée d'une salle de réunion. Trop d'eurodéputés hélas, viennent seulement signer (et reçoivent ainsi 280 euros de "per diem", leur forfait journalier) et repartent aussitôt.
Même chose s'agissant du nombre de votes par appel nominal enregistrés, lorsqu'on sait que défilent à vive allure au cours d'une même séance plusieurs centaines d'amendements, sur une quarantaine de rapports examinés, avec les sujets les plus divers : de la taille des volants des véhicules forestiers (novembre 2008), à "l'immigration économique" ou "la pêche récréative", en passant par "l'étiquetage des pneumatiques en relation avec l'efficacité en carburant" et les "prescriptions uniformes concernant la réception de véhicules commerciaux pour ce qui est des saillies extérieures à l'avant de la cloison postérieure de la cabine" (séance du 22 avril 2009)...

2) L'éclairage des enjeux européens, un besoin pressant de l'électorat

Les derniers débats référendaires européens et les taux de participation en France, aux Pays-Bas et en Irlande, ont témoigné d'une vraie soif de comprendre et d'agir sur l'évolution de l'Europe, pour ne pas la laisser aux mains des seuls "experts". Un besoin naturel dans une culture démocratique.

Parmi les cinq critères de la démocratie définis par le politologue américain Robert Dahl, figurent notamment la "compréhension des enjeux de la part de l’électorat" et le "contrôle du programme politique"[1].

Deux objectifs auxquels doivent concourir les responsables politiques élus et le pluralisme médiatique. Force est de constater que de ce côté-ci de l'Atlantique, l'intégration européenne rend de plus en plus difficile cette "compréhension" et ce "contrôle", ceci expliquant sans doute en partie le taux d'abstention record annoncé pour les prochaines élections européennes.

3) L'activité de neuf députés au Parlement européen, candidats à l'élection européenne du 7 juin

L'étude ci-dessous a sélectionné neuf députés européens sortants, candidats à leur propre succession et issus de différentes formations politiques. Elle combine l'assiduité parlementaire au sens strict et la participation au débat public, à travers les publications d'ouvrages et telle que la presse en fait état.


Députés européens

par ordre alphabétique
Réflexion

Ouvrages publiés sur l'Europe
Législation

présence aux sessions 2008-2009
Action

nombre d'articles de presse associant le nom du Député et Europe
Note moyenne totale*
Rang

Daniel Cohn-Bendit (Verts)
3
17
2951 (+6)
26
2ème

Joseph Daul (UMP)
0
18
557 (+3)
21
7ème

Francoise Grossetête (UMP)
0
18
269 (+2)
20
8ème

Benoit Hamon (PS)
0
15
3550 (+8)
23
5ème

Gérard Onesta (Verts)
1
18
558 (+4)
23
5ème

Vincent Peillon (PS)
0
18
2989 (+7)
25
3ème

Marielle de Sarnez (MoDem)
1
18
160 (+1)
20
8ème

Philippe de Villiers (MPF)
6
15
7057 (+9)
30
1er

Francis Wurtz (PCF)
1
18
1049 (+5)
24
4ème
Méthodologie
Chaque critère mesuré pour les 9 élus testés - "réflexion", "législation" et "action" - aboutit à un sous-classement. Le total correspond à la moyenne des trois sous-classements par l'addition du nombre d'ouvrages écrits, du nombre de présence et du classement des députés en fonction du nombre d'articles de presse associant le Député et l'Europe (9 correspondant au plus grand nombre de références, 1 au plus petit).
Sous-classement "Réflexion"
Nombre d’ouvrages de fond publiés par le député traitant majoritairement des questions européennes, institutions ou domaine particulier des compétences européennes. (Source : site du Parlement européen; et bases éditeurs)
Sous-classement "Législation"
Procès verbaux des séances plénières à Strasbourg et Bruxelles 2008/2009.
Sous-classement "Action"
Nombre d'articles de presse nationale et régionale associant le nom du député et un sujet européen, recensés par la base de données de presse Lexis-Nexis (http://www.lexisnexis.com)
En conclusion, la moyenne des notes obtenues permet d'établir le classement suivant des députés : Philippe de Villiers (MPF), Daniel Cohn-Bendit (Verts), Vincent Peillon (PS), Francis Wurtz (PCF), Benoît Hamon (PS) et Gérard Onesta (Verts), 6ème Joseph Daul (UMP), Marielle de Sarnez (Modem) et Françoise Grossetête (UMP).
L'objectif du présent classement n'est pas d'établir des gagnants et des perdants, chaque élu testé ayant une exposition publique proportionnelle à sa notoriété, laquelle reste néanmoins le résultat de son travail de contribution au débat public sur le long terme. L'essentiel est bien de replacer l'élu dans ses missions au service de la démocratie.
Dans un système institutionnel qui, de l'avis général, ne brille pas par son caractère démocratique - confusion des pouvoirs à la Commission et au Conseil, opacité des décisions, pouvoir législatif échappant aux parlements nationaux, gouvernement des juges européens, contournement du résultat des référendums - ce travail d'éclairage de l'opinion publique par l'écrit et la parole des élus peut même apparaître déterminant.
Jean-Marie BRETON
pour l'Observatoire de l'Europe